Lettre ouverte à Monsieur Malik Salemkour, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
La dégradation continue des services publics de psychiatrie depuis des années faute de moyens, faute de lits, faute de mesures et de structures d’accompagnement s’inscrit dans un cadre de contraintes sécuritaires de plus en plus prégnantes : caméras de surveillance, pratiques de contention et d’isolement devenues banalisées, hospitalisations sous contrainte en hausse.
C’est dans ce contexte que le décret n° 2019-412 du 6 mai, 2019[1] modifiant le décret 2018-383 du 23 mai 2018, autorise les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soin psychiatrique sans leur consentement.
Entre autres données d’identification d’une personne en soin psychiatrique sans consentement déjà fichée depuis la mise en place du fichier HopsyWeb, ce décret autorise que les nom, prénom, date de naissance, fassent l’objet d’une mise en relation avec les données d’identification enregistrées au fichier des personnes surveillées pour radicalisation ou en lien avec le terrorisme, fichier FSPRT.
Le croisement entre ces 2 fichiers constitue une atteinte grave aux droits des patients. Il rend les soignants et les familles complices. Doublement complice. Complice de la désignation à la police de personnes en détresse psychique, en violation du droit des patients, en violation du secret médical pour les professionnels du soin psychiatrique. Depuis plusieurs années, la confusion est entretenue entre maladie mentale, dangerosité et terrorisme
La quasi totalité des représentants institutionnels du monde de la psychiatrie, entre autres, demandent le retrait de ce décret : le Conseil National de l’Ordre des médecins, le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) ainsi que des associations (UNAFAM) ; y compris l’Association des Etablissements du Service Public en Santé Mentale (ADESM) et plusieurs recours auprès du Conseil d’État sont engagés ou en cours d’engagement.
Nous, Fil Conducteur Psy, réunissant des familles, parents et fratries, des patients et des soignants, tous touchés à des places différentes par la maladie psychique et sa prise en charge, vous demandons d’engager la LDH pour le retrait de ce décret liberticide.
Ce combat s’inscrit dans les missions de lutte contre les discriminations de tous ordres et plus généralement en tout domaine où les droits sont bafoués.
Nous vous remercions par avance de peser de toute la légitimité de la LDH pour faire cesser cette atteinte liberticide aux droits des patients.
Le 3 juillet 2019
Le fil conducteur Psy. Lefilconducteurpsy.com
[1] « Les ARS sont autorisées à utiliser Hopsyweb pour le suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement. Le décret ajoute en premier lieu un alinéa dans la liste de ce que permet le traitement du fichier : « l’information du représentant de l’État sur l’admission des personnes en soins psychiatriques sans consentement nécessaire aux fins de prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dans les conditions prévues au livre II de la troisième partie du Code de la santé publique et à l’article 706-135 du Code de procédure pénale ».